Indice Kilométrique d'Abondance, très bien, mais c'est quoi?
Nous ne possédons pas de données précises sur le nombre de chevreuils présents sur l'ensemble du massif sonien. Si l'on se penche sur la littérature, les chiffres oscillent, selon les sources et les périodes, entre 150 et 300 chevreuils pour les 4600 ha (estimation de 250 chevreuils en 2008).
La raison de cette imprécision relève de la difficulté de procéder à un recensement exhaustif : il faudrait une armée d'observateurs qui puissent parcourir le massif "en tirailleurs" - c'est à dire en lignes parallèles espacées entre elles de plusieurs centaines de mètres - et qui enregistreraient chaque observation. Un tel investissement en temps et en personnel rend la méthode difficile à mettre en place. Difficile et fortement perturbante pour la faune.
L'IKA est, comme tout indice, un outil statistique. Il représente la moyenne du nombre de chevreuils observés par kilomètre (nombre de kilomètres parcourus divisé par le nombre de chevreuils observés). Si l'on ne peut connaître le nombre précis et absolu de chevreuils, on a cependant grâce à l'IKA un outil de suivi de la population qui permet, au fil des répétitions, d'en suivre les tendances d'évolution.
Indice Kilométrique d'Abondance, très bien, mais comment?
Matériel : Carte et stylo, jumelles, télémètre, montre (ou smartphone sur silencieux), farde de protection en cas de pluie |
Les données d'observations ainsi récoltées par chaque opérateur sont ensuite centralisées et analysées par les scientifiques du DEMNA et de l'INBO.
Quelles sont les conclusions?
Si jusqu'en 2014 cette population de chevreuils semblait relativement stable, nous constatons depuis plusieurs années une baisse significative du nombres d'observations récoltées. Quelques pistes ont été explorées par les scientifiques : développement du sous-bois par l'installation de régénérations naturelles de la forêt, les fourrés de jeunes arbres représentant un obstacle visuel rendant plus difficiles les observations, mais également la fréquentation sans cesse croissante du public au sein du massif. Dès les premières années déjà, alors que nous opérions nos comptages au lever et au coucher du soleil, nous avons dû rapidement nous résigner à abandonner ces derniers : la forêt était fréquentée jusque tard dans la soirée par de nombreux promeneurs, cyclistes et joggeurs. Nous avions également dû nous résigner à abandonner deux parcours sur lesquels aucun chevreuil n'avait été observé.
Mais ces dernières années, nous constatons que cette fréquentation se fait également de plus en plus tôt en journée : dès l'aube naissante, les promeneurs, mais également les navetteurs à vélo, sont déjà nombreux sur les parcours et leurs abords.
Aujourd'hui, les scientifiques se prononcent pour conclure à une diminution des observations liées à une diminution de la population de chevreuils, couplée à des observations rendues plus compliquées du fait du développement du sous-bois. Si les causes de cette diminution de la population sont multifactorielles, la surfréquentation de la forêt serait belle et bien la principale cause de la chute des observations du chevreuil en Soignes, par la perturbation des animaux, la réduction des espaces de quiétude et de refuges, et peut-être une conséquence en terme de baisse de natalités.
Un profond dilemme se présente dès lors : deux fonctions essentielles de la forêt de Soignes (la fonction sociale et récréative d'une part, et la fonction écologique d'autre part, deux fonctions pourtant conciliables) semblent soudain entrer en opposition. D'autant que, rappelons-le, le chevreuil est la partie visible de l'iceberg de la diversité animale en forêt et que, si sa population est impactée, les populations des autres espèces le sont probablement aussi (mustélidés et rongeurs, oiseaux nicheurs au sol ou près du sol, oiseaux d'eau, reptiles et amphibiens).
Quelle solution apporter à cette situation? Adopter les "bons gestes" présentés par la Fondation Forêt de Soignes dans le cadre de l'action "Tous ensemble pour la forêt de Soignes" dont la première édition a eu lieu a eu lieu en 2021 et qui sera reconduite le 20 mars prochain dans le cadre de la Journée Mondiale de la Forêt. Parmi les bons gestes sont encouragés le fait de tenir les chiens en laisse et de rester sur les chemins.
Je remercie S.Vanwijnsberghe et F.Vaes pour leur relecture.
Sources :
Bruxelles Environnement (rapport disponible en bas de page)
Fondation de la forêt de Soignes
Coupures de presse :
Communiqué de la Fondation de la forêt de Soignes