Un constat n'est pas neuf : le simple fait d'évoquer le mot "araignée" a souvent pour effet de mettre du monde en tension. Est-il dès lors difficile d'imaginer quelques cheveux se dresser si je parle de la présence d'une espèce de mygale dans notre forêt de Soignes?
Je ne résiste pas à cette tentation car, à la faveur d'un séjour du service forestier bruxellois en forêt de Retz (Hauts-de-France) ainsi que lors d'animations avec des enseignants et leurs élèves en Soignes, constat est fait que la présence de l'espèce est souvent méconnue, y compris des forestiers eux-mêmes.
Avant de faire les présentations, il apparaît indispensable de déconstruire certaines sources de malentendus à la base de la crainte des araignées : sur les quelques 300 espèces d'araignées présentes sur le territoire régional bruxellois, un nombre infime est en capacité de nous mordre et de percer notre épiderme. Mais avant tout, le premier réflexe de nos araignées est de fuir le contact avec l'humain. Et, puisque l'araignée se sert généralement de ses crochets pour attraper ses proies et que nous ne sommes pas à son menu, si morsure se fait ce ne sera que pour se sortir d'une situation périlleuse : une prise en main un peu trop ferme, ou une contrainte maladroite dans un vêtement pas exemple. Mais même dans ce cas, elle ne délivrera pas ou très peu de venin : il lui est trop cher, coûteux à métaboliser et indispensable à la capture de ses proies - et encore une fois : nous ne sommes pas une proie pour les araignées! "Surtout, ne pas gaspiller!" est donc la règle. Accessoirement, de nombreuses légendes urbaines sont à déconstruire, mais d'autres l'ont fait avant moi et mieux que je le pourrais (cfr rubrique 'Sources' en bas d'article).
Mais alors notre mygale?
Les araignées sont réparties en deux ordres principaux : les aranéomorphes et les mygalomorphes. Les premières présentent des chélicères (crochets à venin) fonctionnant à la manière de pinces qui se croisent horizontalement de l'extérieur vers l'intérieur. Les secondes ont des pièces à venin parallèles, fonctionnant - pour schématiser - verticalement, comme des marteaux, de haut en bas (plus précisément d'avant en arrière).
Et c'est à cet ordre qu'appartient la mygale commune (Atypus affinis, pour les scientifiques), aussi appelée mygale à chaussette.
La belle est beaucoup moins impressionnante que ses cousines tropicales : la femelle mesure moins de deux centimètres et le mâle la moitié! Le thorax et la tête sont noirs, luisants et dépourvus de poils tandis que l’abdomen est plus clair et présente un aspect légèrement velouré.
(Photo : © Yves David)
S'il devait être nécessaire de vous rassurer, sachez que les chances (certain.e.s diront, malgré mon préambule, les malchances ou les risques) de croiser une mygale commune sont très minces : la dame ne vit pas dans nos maisons, ne fréquente pas nos jardins (à moins que, par miracle, il présente les qualités de son habitat très particulier), mais dans des terriers qu'elle creuse dans des sols forestiers bénéficiant de suffisamment de lumière diffuse et d'un bon drainage, avec une couverture légère de végétation, essentiellement composée de mousse et de bruyère. Elle ne quitte quasiment jamais son terrier, si ce ne sont les juvéniles en quête de leurs propres terrains, et les mâles en quête de femelles. et ni femelles ni mâles - donc a fortiori les minuscules juvéniles - ne sont en capacité de nous mordre.
Mais pourquoi "mygale à chaussette"?
Parce que notre araignée, qui vit donc dans un terrier, le tapisse d'un tube de toile dont l'extrémité pend à l'extérieur à la façon d'une chaussette de quelques centimètres en général, mais qui peut mesurer jusqu'à 10 cm, soit près de la moitié de la longueur de la partie souterraine. Cette "chaussette" est fermée, la mygale se postant en affût en son sein, à l'entrée du terrier, attendant le passage d'une de ses proies qu'elle attrapera à travers la toile et qu'elle traînera à l'intérieur pour la consommer tranquillement. Les proies sont principalement constituées de cloportes et de coléoptères.
Sur de bonnes stations, il peut y avoir plus d'une dizaine de chaussettes par mètre carré.