19 juin 2017

Reconnexions

Les automobilistes coincés dans les embouteillages sur le Ring 0 le savent trop bien, d'importants travaux sont en cours entre Groenendael et Waterloo. Les gens pestent, s'étonnent ou s'indignent que l'on coupe des arbres pour construire un pont et installer une clôture.


Mais de quoi s'agit-il?

Il suffit de se pencher sur une photo aérienne pour se rendre compte à quel point notre forêt de Soignes est morcelée : drèves, chaussées et avenues, autoroutes et voie de chemin de fer, de nombreux axes de communication la traversent.


Ces voies de communication représentent autant d'obstacles pour une quantité surprenante d'animaux. Bien sûr, le chevreuil est la première espèce à laquelle on pense, et à juste titre : les individus qui s'essaient à traverser ces axes routiers en réchappent rarement. Mais tous les mammifères sont impactés par la circulation routière.

Auderghem/Jesus-Eik - Bretelle E411 - Chevreuil
Uccle - Drève de Lorraine - Chevreuil
Uccle - Drève St-Hubert - Chevreuil



Auderghem/Hoeilaart - Welriekendedreef - Chevreuil

Uccle - Drève du Haras - Sanglier (Ph: D.Dusaer)

Uccle - Drève de Lorraine - Sanglier (Ph: D.Dusaer)
Uccle - Chaussée de la Hulpe - Renard
Jesus-Eik - E411 - Blaireau (Ph : O.Schoonbroodt)


Uccle - Drève St-Hubert - Putois d'Europe


















Uccle - Drève de Lorraine - Putois d'Europe













Beaucoup d'entre vous connaissent la problématique des traversées de batraciens au cours de leurs transhumances annuelles. En effet, les grenouilles rousses, crapauds communs et tritons passant leur vie en forêts vont, au moment de la reproduction, rejoindre la mare ou l'étang qui les a vus naître. Ils feront le chemin inverse après la ponte. Les jeunes iront à leur tour faire leur vie en forêt jusqu'à ce qu'il soit temps pour eux de reproduire le cycle. Les batraciens paient un lourd tribut sur nos routes.

Mais savez-vous que la rupture du massif forestier par ces voies de communication représente également un problème pour nombre d'espèces de chauve-souris forestières? Celles dont le territoire de chasse est dépendant du couvert forestier font demi-tour lorsqu'elles trouvent un vide. En effet, ces espèces chassent au plus près des arbres, et se repèrent à ceux-ci. L'absence d'arbres sur la largeur d'une autoroute représente une rupture de leurs repères.
L'éclairage des routes représente lui encore un problème pour les espèces strictement forestières : ces chauve-souris sont en effet lucifuges, c'est à dire qu'elles fuient la lumière. Dès lors une route éclairée représente pour elles un obstacle infranchissable. Et les individus qui tentent malgré tout la traversée le font en volant très bas et sont alors victimes de la circulation!
C'est d'ailleurs cette seule raison qui a motivé l'absence d'éclairage public sur la drève de Lorraine et certains tronçons de la chaussée de La Hulpe.

D'où l'importance de défragmenter les massifs en les reconnectant, démarche répondant au programme européen Life+Ozon qui investit auprès des régions dans la création d'infrastructures permettant la circulation de la faune.

Ces infrastructures sont de deux types :
  -  infrastructures souterraines par la création de tunnels à faune (ou l'aménagement de tunnels existants) et la création de crapauducs
  -  infrastructures aériennes par la création d'écoducs - ou éco-ponts - et de "ponts d'arbres".

Tunnels

- Tunnels existants : réaménagés pour favoriser le passage des animaux. Certains ont reçu des aménagements permettant l'hibernation des chauve-souris.

L161 - Watermael-Boitsfort - Secteur Longue-Queue
E411 - Auderghem - Secteur Trois-Fontaines/Rouge-Cloître


- Nouveaux tunnels : installation de buses de différents diamètres en fonction de la faune ciblée.
L161 - Watermael-Boitsfort (Ø 40cm)

L161 - Watermael-Boitsfort - Étang de l'Hermite (Ø 1,2m)

Crapauducs

Duboislaan, Groenendael - Étangs de la Patte d'Oie

Deux crapauducs ont été créés sur des axes de la partie de la forêt de Soignes sous gestion de la région flamande (ANB). Il s'agit de petits tunnels passant sous les routes aux endroits identifiés comme des axes de migration majeurs. Les tunnels sont ajourés car les batraciens ne les empruntent qu'à la conditions qu'ils voient le ciel! Les abords de ces voiries sont évidement aménagés pour guider crapauds, grenouilles et tritons vers les tunnels.




L'agence flamande de gestion de la nature nous informe par ailleurs que les crapauducs ne bénéficient pas qu'aux amphibiens : une martre a en effet été filmée à Anvers dans ce type d'infrastructure! C'est à lire sur le site de Natuurpunt.

Ponts d'arbres
Ring 0, Hoeilaart
De nombreux portiques ont été installés au dessus de nos autoroutes. Ils reçoivent l'affichage des conditions de trafic, diffusent éventuellement des alertes (accident, files, etc) ou portent différents appareils tels que radars de contrôle de vitesse par exemple.
Certains de ces protiques ont reçu l'aménagement de gouttières permettant le passage de la faune arboricole (écureuils, etc).
Pour être opérants, ils sont reliés aux arbres de la lisière par de grands filets de cordes. Ces filets assurent également la continuité de repères indispensables aux chauves-souris forestières.

Écoducs
Et enfin, c'est ici que les automobilistes empruntant le ring entre Groenendael et Waterloo comprendront la raison de leurs embarras de circulation.

Un premier pont écologique a été construit en Région Bruxelloise à la faveur de l'élargissement de la ligne de train L161 (Bruxelles-Arlon) en vue du développement du réseau RER.
Infrabel, en contre partie de l'expropriation d'une partie de la forêt, a investi aux côtés de la Région Bruxelloise dans la construction de ce pont, ainsi que dans l'aménagement des tunnels et bunkers à chauves-souris mentionnés plus haut.


Créé sur base de l'éco-pont existant en forêt de Meerdaal, il s'agit d'un vaste pont végétalisé visant à la traversée de la grande faune. En son centre, un andainage de grands troncs permet la traversée de la plus petite faune tels que les mustélidés et autres hérissons.

De part et d'autre de la voie de chemin de fer ont également été andainés les arbres coupés lors de l'élargissement de l'emprise SNCB : ces andains assurent une barrière naturelle guidant la faune vers le pont. Ils offrent en outre un habitat favorable à la petite faune.



Un deuxième écoduc est donc en construction au dessus du ring 0. Bénéficiant de fonds européen venant compléter les investissements de la région flamande (pont et partie de clôture propre) et de la région Wallone (tronçons de clôture installés sur territoire régional wallon), il s'agit d'un ouvrage de grande envergure qui assurera un remembrement des massifs séparés par l'autoroute.

Ring 0, Groenendael


Mais ces infrastructures à elles seules ne suffisent pas à la réussite du projet de reconnexions : comme vous le verrez plus tard, le succès sera conditionné par l'absence de circulation du public forestier!

A suivre, donc.